Les élections législatives, organisées tous les cinq ans pour renouveler le mandat des députés, sont des moments très importants pour le système politique sénégalais. Ousmane Badiane, spécialiste du système électoral sénégalais, revenant sur le contexte des différentes élections, a rappelé que c’est seulement en 1993, après le Code consensuel de 1992, que les élections législatives ont été découplées avec la présidentielle.
Dans le système électoral sénégalais, nous avons trois grands types d’élections : la présidentielle, les législatives et les élections territoriales ; le référendum n’étant pas considéré comme une élection en tant que telle. Tous les cinq ans, les électeurs sénégalais sont convoqués pour renouveler le mandat des députés. De ce fait, Ousmane Badiane, spécialiste en système électoral sénégalais, indique que « les législatives ont toujours occupé une partie importante dans notre système politique ». Dans un premier temps, l’élection présidentielle et les législatives étaient couplées. C’est après le Code dit consensuel de 1992 que le découplage des législatives et de la présidentielle est intervenu à raison des contentieux répétés. M. Badiane indique que de la période des indépendances jusqu’en 1976, date du premier Code, avec le règne du Parti unique, les élections étaient considérées comme des formalités parce qu’il n’y avait qu’un seul candidat (élections de 1963, 1968, 1973). Avec la crise intervenue en 1976, le Président Léopold Sédar Senghor était obligé d’autoriser une ouverture politique limitée en reconnaissant, dans un premier temps, les trois courants (socialiste avec le Ps, libéral avec le Pds et communiste avec Majmouth Diop). « C’est à partir de ce moment qu’on a commencé à avoir des élections multi partisanes, avec le premier Code électoral de 1976. Le scrutin proportionnel a été donc intégré ; ce qui a permis à l’opposition d’avoir des représentants au Parlement », explique M. Badiane.
C’est ainsi que le Pds, de Me Abdoulaye Wade, est entré à l’Assemblée nationale. Les premières législatives sous Abdou Diouf, organisées le 27 février 1983, ont été couplées à la présidentielle. Après son arrivée au pouvoir, le Président Diouf avait autorisé le multipartisme et l’ouverture démocratique illimitée. Le Pds s’était déjà imposé comme un parti avec une forte expérience au sein du Parlement, avec 17 députés en 1983, derrière le Ps et ses 103 députés.
Gouvernement de majorité présidentielle élargie
Quant aux élections législatives du 28 février 1988, couplées toujours à la présidentielle, la situation était explosive, d’après notre interlocuteur, avec la crise universitaire et scolaire ayant entrainé l’année blanche. Cela avait occasionné l’État d’urgence à Dakar suite à la situation quasi insurrectionnelle après l’arrestation d’Abdoulaye Wade et de ses compagnons comme Ousmane Ngom, Boubacar Sall, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho. Suite aux élections de 1988, il y a eu le Gouvernement de majorité présidentielle élargie (Gmpe) avec la nomination d’Abdoulaye Wade comme Ministre d’État et l’entrée de ses collaborateurs dans le Gouvernement de Diouf (Aminata Tall, Jean Paul Dias, Ousmane Ngom, Amath Dansokho, Maguette Thiam). C’est dans ce contexte que les acteurs ont décidé de travailler sur un Code électoral consensuel qui a été adopté en 1992 pour corriger les manquements du système électoral. Cette Commission cellulaire était présidée par le juge Kéba Mbaye. C’est ce Code qui a permis le découplage des élections présidentielle et législatives. Ainsi, après la présidentielle de 1993, il y a eu aussi les élections législatives du 9 mai 1993. Les élections législatives de 1998 furent aussi les dernières du genre organisées par Abdou Diouf.
Premier report de législatives en 2005, record de listes en 2017
Le Président Abdoulaye Wade, après son accession au pouvoir, en 2000, a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale et organisé des élections législatives anticipées le 28 avril 2001. Cinq ans après, elles étaient reportées pour cause des fortes inondations dans la banlieue dakaroise en 2005 (pour le financement du Plan Jaaxaay). C’était la première fois que les élections législatives ne se sont pas tenues à date échue. Elles ont été finalement organisées après la présidentielle de février 2007. Ces élections ont été boycottées par l’opposition réunie au sein du « Front Siggil Sénégal ».
Les premières élections législatives organisées par le régime de Macky Sall sont tenues en juillet 2012, après la deuxième alternance du 25 mars de la même année. Ces élections ont été remportées par la coalition « Benno Bokk Yaakaar » (Bby). En 2017, on a assisté à un record de listes (47). Cela avait amené le Conseil constitutionnel à autoriser les Sénégalais à ne prendre que cinq bulletins, pour qu’ils puissent voter en une journée. Ce, suite à une simulation de l’Ong 3D.
LE SOLEIL (Oumar KANDE)
Une expérience vieille de plus de 60 ans
Cela fait plus de 60 ans que le Sénégal organise des élections législatives. Si les premières élections (1957-1959) ont eu lieu sous la Loi-cadre, c’est en 1963 que le Sénégal a organisé ses premières élections législatives en tant que pays indépendant. C’était toujours l’hégémonie de l’Union progressiste sénégalaise (Ups) jusqu’en 1978, avec les participations du Parti démocratique sénégalais (Pds) et du Parti africain de l’indépendance (Pai) aux législatives.
Les premières élections législatives organisées au Sénégal ont eu lieu le 31 mars 1957 sous la Loi-cadre. Le Sénégal était un territoire d’Outre-mer de l’Union française. Ainsi, il y avait 60 sièges à pourvoir. À l’issue des élections, le Bloc populaire sénégalais (Bps), dirigé par Léopold Sédar Senghor, avait remporté les 47 sièges. Le Parti sénégalais d’action socialiste (Psas) avait 12 sièges et il y avait un élu du parti régional. Deux ans plus tard, en 1959, les dernières élections législatives, sous la tutelle française, ont été organisées. Elles ont été sanctionnées par la victoire de l’Union progressiste sénégalaise (Ups) menée par Léopold Sédar Senghor. L’Ups s’était emparée des 80 sièges qui étaient en jeu. Trois ans après l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, plus précisément le 1er décembre 1963, des élections législatives ont été encore organisées. Elles ont eu lieu le même jour que l’élection présidentielle. Les 80 sièges à pourvoir ont été remportés par l’Ups dirigée toujours par Léopold Sédar Senghor qui a été, par la même occasion, porté à la tête de l’État.
Lors des élections législatives de 1968, c’était encore l’hégémonie de l’Ups. Seul parti en lice pour briguer les suffrages des Sénégalais, il avait raflé tous les sièges au soir du 25 février 1968. La même tendance s’est confirmée aux législatives de 1973. En 1978, un vent nouveau souffle au Sénégal. Les élections législatives du 26 février de la même année marquent la fin de l’hégémonie de l’Ups à l’Assemblée nationale.
Pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal indépendant, des élections étaient organisées sous le multipartisme. Plusieurs partis étaient à la conquête des 100 sièges. L’Ups, devenue entretemps le Parti socialiste (Ps), avait donc des rivaux. Il s’agissait du Parti démocratique sénégalais (Pds), dont la liste nationale était dirigée par l’ancien Président de la République Abdoulaye Wade, et du Parti africain de l’indépendance (Pai) de Majmouth Diop. Marquant le début de la démocratisation du système électoral sénégalais, ces élections ont été remportées par le Ps qui a obtenu 83 sièges sur les 100 qui étaient en jeu. Le Pds s’était contenté des 17 restants. Quant au Pai, ses 3734 voix étaient insuffisantes pour avoir un siège.
LE SOLEIL (Aliou DIOUF)
LEGISLATURES DE 1998 ET DE 2001
Les prémices du départ des socialistes et la première majorité pour Wade
Les élections législatives de 1998 ont été les dernières du régime socialiste du Président Abdou Diouf qui a perdu le pouvoir en 2000. Celles de 2001 ont été quant à elles les premières organisées sous le régime du Président Abdoulaye Wade, élu un an auparavant.
Les élections législatives de 1998 et de 2001 ont marqué l’histoire politique du Sénégal. Celles de 1998 ont eu lieu le 24 mai 1998. Au moment de cette consultation électorale, Abdou Diouf est Président de la République depuis 1981. Sa popularité avait fortement baissé. Contrairement à ce que l’on pouvait craindre au vu des évènements de 1988 et 1993, la période postélectorale est relativement calme.
Le Parti socialiste (Ps) recueille la majorité absolue des suffrages et l’emporte dans la plupart des départements. Le Ps s’était retrouvé avec 612 559 voix, soit 50,2 %, et 93 députés sur 140 sièges à pourvoir. Le Parti démocratique sénégalais (Pds), de Me Abdoulaye Wade, s’était classé deuxième avec 233 287 voix, soit 19,12 % ; ce qui leur avait donné 23 députés. L’Union pour le renouveau démocratique (Urd), de Djibo Kâ, s’est retrouvée à la troisième position avec 161 320 voix (13,22 %) et 11 députés. And-Jef/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Aj/Pads) a eu quatre députés. La Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (Ld/Mpt) s’est retrouvée avec trois députés. Plusieurs petits partis, dont la Convention des démocrates et des Patriotes-Garap-Gui (Cdp-Gg), le Front pour le socialisme et la démocratie (Fsd/Bj), l’Union démocratique sénégalaise-Rénovation (Uds-R), le Parti de l’indépendance et du Ttravail (Pit), le Rassemblement national démocratique (Rnd), le Bloc des centristes Gaïndé (Bcg), ont eu un député chacun. Cheikh Abdoul Khadre Cissokho a été le Président de l’Assemblée nationale à cette époque (1993-2001).
Cependant, la législature issue des élections législatives de 1998 n’ira pas au bout de son mandat de cinq ans. Élu Président de la République, le 19 mars 2000, le Président Abdoulaye Wade va dissoudre l’Assemblée nationale, le 15 février 2001, et organiser des élections le 29 avril 2001.
25 partis politiques ont présenté des candidats aux élections qui étaient censées se traduire par une recomposition du paysage politique. Selon un document de l’Assemblée nationale, sur les 25 formations politiques en lice, seules 10 sont représentées à la nouvelle Assemblée nationale. La coalition « Sopi » (changement), formée autour du Pds du Président Wade, a largement remporté ces élections avec 89 députés sur un total de 120. L’Alliance des forces de progrès (Afp), de l’ancien Premier ministre Moustapha Niasse, avait obtenu 11 députés. L’Urd et Aj/Pads ont respectivement remporté trois et deux sièges. Cinq petits partis (Pit, Pls, Ppc, Apj-Jj et le Rnd), se sont partagé les sièges restants, à raison d’un chacun. Le 18 mai 2001, Youssou Diagne a été élu Président de l’Assemblée nationale lors de sa première session extraordinaire.
LE SOLEIL (Oumar KANDE)
LEGISLATURES DE 1983, 1988 ET DE 1993
L’ascension du Parti démocratique sénégalais
Les élections législatives au Sénégal ont longtemps été remportées par le Parti socialiste (Ps). De 1983 à 1993 en passant par 1988, toutes les législatures ont été dominées par les « Verts ». Néanmoins, Abdou Diouf a perdu progressivement des sièges au profit de son principal rival, Abdoulaye Wade, du Parti démocratique sénégalais (Pds).
1983. Trois années après le renoncement au pouvoir de Léopold Sédar Senghor, le Sénégal tenait ses premières élections législatives. Son prédécesseur, Abdou Diouf, était passé de Premier ministre à Chef d’État. Il fit face à l’opposition pour conquérir une majorité confortable à l’Assemblée nationale. En face de lui, il y avait l’opposant Abdoulaye Wade. La bataille électorale mettant principalement en concurrence le Parti socialiste (Ps) et le Parti démocratique sénégalais (Pds) s’est soldée par une victoire des socialistes. Abdou Diouf avait gagné le scrutin avec un score de 79,9 % contre 13,9 % pour Abdoulaye Wade. Sur 120 sièges, le Président Diouf en avait gagné 111 alors que son rival n’en avait que huit, suivi du Rassemblement national démocratique (Rnd) de Cheikh Anta Diop qui n’avait gagné qu’un seul siège.
Suite à ce score « soviétique » des socialistes, Abdoulaye Wade s’était vite prononcé pour dénoncer une « fraude » qui expliquerait cette large victoire du Ps. Boubacar Camara, de la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (Ld/Mpt), dénonçait aussi des anomalies durant le scrutin.
À cette époque, où l’ouverture démocratique avait permis la naissance d’une multitude de formations politiques, 14 partis étaient en lice pour conquérir des sièges à l’Hémicycle qui était passé de 100 à 120 députés. Toutefois, le taux de participation n’avait pas suivi cette ouverture, car comparativement aux législatives de 1978, celles du 27 février 1983 avaient baissé de 9,6 %.
1988 et Wade impliqua la jeunesse à la lutte
Au-delà de ce fait, ces législatives ont commencé à revêtir un cachet populaire, suscitant un regain d’intérêt chez les jeunes. Ils sont de plus en plus derrière Abdoulaye Wade, principal opposant au régime d’Abdou Diouf. Au lendemain des législatives de 1988, Wade essuie, une fois de plus, une défaite. La pilule passe difficilement. Des scènes de violence éclatent dans la capitale sénégalaise. « L’état d’urgence a été décrété, le 29 février, à Dakar et environs, à la suite d’incidents qui ont marqué la proclamation des résultats officieux des élections au Sénégal. Dans la matinée, des étudiants avaient voulu répondre au mot d’ordre du leader du Pds, Me Abdoulaye Wade, qui avait appelé à une marche vers le Palais de la République. Les forces de l’ordre ont chargé les étudiants et il eut de nombreux blessés », écrivait « Le Monde diplomatique » en février 1988. Abdoulaye Wade et ses souteneurs de l’époque, Amath Dansokho et Abdoulaye Bathily, furent ainsi mis aux arrêts dans le cadre d’une information judiciaire pour atteinte à la sûreté de l’État.
Par contre, 1993 aura été une année mémorable pour le Pds qui venait d’obtenir son plus grand nombre de sièges (27). Le Pds était allé seul aux élections avec son fameux slogan : « Sopi ». Cependant, les législatives de cette année furent émaillées par une série de protestations qui ont abouti à l’assassinat de Me Babacar Sèye, Vice-président du Conseil constitutionnel de l’époque, alors qu’il allait entériner une victoire par les urnes du Ps. Abdoulaye Wade sera mis aux arrêt pour les besoins de l’enquête, puis remis en liberté.
Sous un autre angle, la défaite était moins douloureuse pour Wade en 1993. Et dans le même temps, le goût de la victoire était devenu de plus en plus amer pour Abdou Diouf.
La Gauche entre à l’Hémicycle
En 1993, plusieurs formations politiques de la Gauche ont fait leur entrée à l’Assemblée. Pour la première fois donc, des parlementaires non issus des rangs du Ps ou du Pds auront leur mot à dire à l’Assemblée. Le visage politique du Sénégal venait d’adopter un changement suite à la politique d’ouverture du Président Diouf. Cela lui coûtera quelques sièges de moins. En tout, ces partis de gauche ont engrangé neuf sièges sur 120. « Quatre autres formations ou coalitions de partis font, pour la première fois, leur entrée à l’Assemblée nationale… Il s’agit de la Ligue démocratique (3 députés) ; de la coalition « Japoo » (3) qui regroupe le Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Pads), la Convention des démocrates et patriotes (Cdp), le Rassemblement national démocratique (Rnd) et des représentants de la société civile ; du Parti africain de l’indépendance et du travail (2) ; de l’Union démocratique sénégalaise-Rénovation (Udsr) (1).
LE SOLEIL (Assane FALL)